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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 19:00

augustine.jpg

 

Clin d'œil hystérique...C'est celui d'Augustine,  sa paupière semble cousue, recouvrant sa pupille.

Clin d'œil historique...Nous sommes en 1873. Augustine entre à l’hôpital  la Pitié-Salpêtrière, dans le service du Docteur Charcot, clinicien, neurologue français, fondateur de École de la Salpêtrière qui va consacrer ses recherches à l’hystérie et l’hypnose. Le terme d'hystérie vient du médecin grec Hippocrate, dérivé du mot grec hystera, signifiant l'utérus. Au Moyen Age, les hystériques étaient considérées comme des sorcières,  possédées par le diable  et souvent brûlées. Le Docteur Charcot va rompre avec cette diabolisation pour tenter de comprendre et étudier  les mécanismes des symptômes hystériques. Charcot déclare que les symptômes hystériques sont dus à un « choc » traumatique provoquant une dissociation de la conscience, et dont le souvenir, du fait même, reste inconscient ou subconscient. L'hystérie est une névrose aux tableaux cliniques variés, où le conflit psychique s'exprime par des manifestations fonctionnelles (anesthésies, paralysies, cécité, contractures...) sans lésion organique, des crises émotionnelles avec théâtralisme, des phobies.


Mais venons-en au film.

 

Le décor, les costumes, les ambiances tant dans les scènes de l'hôpital que les intérieurs de la bourgeoisie dépeignent  un tableau du 19ème siècle, d'une belle tonalité automnale. Vincent Lindon est très juste dans le personnage de Charcot, et Augustine magistralement interprétée par  Soko, chanteuse pop de la scène française. Néanmoins ma critique à chaud était plutôt teintée d'une déception et d'un agacement dus à des longueurs, à la représentation  réductrice voire erronée de la psychanalyse, le discrédit de Charcot, l'hypnose présentée comme une réponse  magique etc. 

Après une réflexion partagée avec mon crapaud (prince réincarné:)), une mise à distance de nos réactions hâtives, nos  recherches approfondies,  voici une critique plus élaborée, plus compréhensive de l'intention de ce film.


Le film dépasse le contexte historique et scientifique  pour s'intéresser à la relation entre Augustine et Charcot. Structurée autour de cette relation, le film souligne les reliefs de cette relation empreinte de domination, de séduction. Cette relation de  transfert va déclencher chez Augustine le déplacement de ses symptômes, puis leur disparition. Comme ses consœurs, Augustine attend son tour pour être examinée, touchée  par Charcot, identifié au médecin-sorcier, guérisseur, messianique qui va les délivrer de leur  mal. Avec froideur, distance, déshumanisation, il observe ces corps féminins, qu'il met à nu, sans compassion. Lors des fameuses « Leçons du mardi » ouvertes au tout public, qui attirent le tout-Paris scientifique et mondain, Charcot exhibe ces corps, utilisant l'hypnose pour suggérer aux femmes une crise, afin qu'il puisse observer, photographier et faire la démonstration que les symptômes prennent leur source et leur sens dans l'inconscient.  Lors de ses crises, le corps convulse, se tord, s'enroule, se crispe, se contracte, semble se démembrer... Tout vient de l'origine du monde, qui gronde, extirpant des râles et des souffles envoûtés, sensuels... Le désir sexuel féminin, inassouvi, créerait une frustration, que les crises libèrent momentanément, pour ensuite bloquer la pulsion. La femme peut souffrir alors de paralysie, la main en griffe, de clin d'œil hystérique, d'insensibilité ou d'hypersensibilité.


Augustine, l'une de ses favorites,  va inverser le rapport de domination, réveiller le désir charnel de l'homme, le mettre à jour et prendre le dessus. Charcot, l'amant, va permettre à Augustine d'advenir comme sujet. Reconnue femme, libérée de ses symptômes, elle laisse Charcot sous l'emprise de son désir suspendu, prisonnier de son carcan social et de ses ambitions.


Si vous souhaitez approfondir  l'étude de ce film et son propos, je vous conseille ce dossier très intéressant, riche et pédagogique.


Bon Film

LN

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commentaires

D
<br /> A plus d'un titre c'est un film qui m'attire et comme souvent tu viens attiser un peu plus l'envie. Bises Dan<br />
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T
<br /> <br /> Pour l'apprécier il est judicieux de suivre le conseil du crapaud, voir son commentaire et lire le document. Cela enrichit notre perception et compréhension. Bon film. Si tu peux en faire un<br /> retour...Bises<br /> <br /> <br /> <br />
U
<br /> Effectivement tout s'éclaire, après la lecture (complète!) du dossier que tu mentionnes.<br /> <br /> <br /> Aussi je suggère à ton large public, de le lire avant d'aller voir ce film "exigeant", au risque de passer complètement à coté...<br /> <br /> <br /> Au plaisir d'un autre grand écran partagé (sans pop-corn^^).<br /> <br /> <br />  <br />
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T
<br /> <br /> Oui je pense aussi que c'est nécessaire. Un jour viendra où....<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> ta critique donne envie de le voir alors que les critiques "pro" nous incitaient à fuir...<br /> <br /> <br /> en tout cas j'ai vu dans ma pratique plus de patients que de patientes hystériques, c'est fort impressionnant...vis ma vie d'as en psy : )<br />
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T
<br /> <br /> Ecoute je pense que c'est un film pas mal mais je peux comprendre les  pro-psy si ils lui reprochent de réduire et de discréditer l'oeuvre de Charcot et donc la naissance de la psychanalyse.<br /> C 'est sûr que le film est intéressant si on ne reste pas en surface, et si on le voit avec un regard un peu initié. Mais tu baignes dedans... Charcot à la fin de  sa vie a reconnu<br /> l'hystérie masculine. Et suivre le conseil du Crapaud:))<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />

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