Afin de renouer avec les querelles d'idées des philosophes des Lumières, le Procope, le plus ancien café littéraire de Paris, a organisé, en partenariat avec la revue Philosophie Magazine, un débat rencontre sur le thème provocateur: "Les marchés sont-ils bêtes et méchants? " avec Valérie Charolles, philosophe , économiste et Paul Jorion, anthropologue, économiste.
Dans un des salons du Procope, les intervenants ont débattu sur la crise de la raison économique et financière. Cet espace de pensée, ouvert à tous, nourrit une réflexion éclairée par des penseurs connus, reconnus, sans dogmatisme, partageant plus que des réponses, leurs interrogations et leurs perspectives de sorties de crise.
Les marchés se conçoivent comme des lieux où la rationalité serait à l'oeuvre, comme l' incarnation d'une rationalité maximale. Valérie Charolles démonte l'utopie de l'agent économique rationnel et l'immortalité du système capitalisme en identifiant précisément les éléments irrationnels du marché, intrinsèques à son propre fonctionnement. Le système, le cadre conceptuel du marché financier porte en lui les germes de ses limites. Elle rappelle le fondement de l'économie, une activité humaine dont on peut remodeler les règles. Elle interroge la place du travail aujourd'hui, ramené à une sphère d'ajustement. L'économie libérale gravite autour de la finance et du Capital, alors que le travail est la contribution indispensable à la production. Or aujourd'hui le travail est envisagé comme une perte, une charge, ayant perdue sa valeur positive. L'économie est soumise aux lois du marché , alors qu'elle devrait être au profit de l'individu, des échanges pour le bien général. Le politique doit retrouver le sens de l'économie au bénéfice de l'intérêt général.
Paul Jorion a retracé les fondements de la pensée économique, Adam Smith, Karl Marx jusqu'aux crises du 20ème, celle de 1929, celle de 2008, celle d'aujourd'hui. Les marchés sont dans des impasses et pour tenter d'en sortir ont des exigences contradictoires . Pour sortir de la crise, les deux experts envisagent l'unique porte de sortie, le changement du cadre conceptuel, un changement profond du paradigme de la pensée économique. La critique des canons théoriques du marché auto-régulé devient une conviction, comme une évidence, pour l'ensemble des économistes, quelque soient leurs orientations politiques. Mais la sphère politique s'assujettit au marché, considérant la toute puissance de la finance comme une vérité incontournable, un allant de soi, immuable.
L'intervenante propose de travailler sur l'idée que toute vérité est construite par rapport à un cadre de référence, l'auteur faisant le parallèle avec la révolution copernicienne. Les cadres de référence peuvent évoluer et le politique sert à cela, une adaptation aux mutations terrestres. La salle a réclamé des idées force, pour réhabiliter "la souveraineté populaire" que les citoyens puissent retrouver un acte-pouvoir, pour contribuer au changement radical d'un système. Question naïve ou désespérée, d'impuissance ...
Des éléments techniques m'ont échappé mais participer à cet échange ouvert, d'une pensée créatrice m'a procuré un apaisement face au cafouillage médiatique sur la complexité des enjeux sociaux , ramené à des discours de candidats présidentiels médiocres ...
Un cocktail savoureux, champagne et sirop de cerise, accompagné d'amuse-gueule m'a permis d'aller interpeller Paul Joinon sur son blog. J'avais la connaissance de son blog, dont les lecteurs rémunéraient son travail de publication et de recherche. J'étais curieuse de comprendre comment il avait eu cette idée d'un blog rétribué par ses lecteurs ,alors même que la culture internet se base sur l'accessibilité gratuite, pour le plus grand nombre, pour exemple la promotion de produits culturels (musique, spectacle...) .
Au moment de la crise de 2008, Paul Jorion se voit licencié par une grande firme américaine et rentre en France. Il poursuit son blog et se met en recherche d'un poste, qu'il ne trouve pas, malgré sa reconnaissance. Il prévient alors ses lecteurs qu'il va fermer son blog et se consacrer à la recherche d'une activité rémunérée. Plusieurs de ses lecteurs proposent alors de lancer une contribution aux lecteurs, un salaire minimum, pour qu'il puisse poursuivre ses recherches et les transmettre en direct au profit des lecteurs, sorte de mécénat citoyen. Il me précise que les contributeurs représentent 1 pour 1000 lecteurs et que chaque mois environ 4000 internautes visitent son site. Sollicités par plusieurs candidats présidentiels, comme expert économique, il a répondu favorablement mais s'est fait prendre la place par des "apparatchiks " .
Luttons contre la pensée unique, la contradiction est la source du changement, lui même source du vivant...
Pour en savoir plus sur les rendez-vous culturels du Procope :www. procope.com. Prochain rendez-vous, Mardi 31 Janvier de 20h à 22H "Présidentielles 2012: Élection politique ou démarche de consommateur averti ou comment bien choisir le prochain président. "Un dîner citoyen ...
Aux urnes citoyens, dans quelques mois...
LN