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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 20:55

crime-express.jpg

 

Crime Express

 

Dès son réveil, son ulcère lui cisailla l’humeur. Il s’habilla avec fébrilité, enfila sa tenue de travail RATP, pantalon vert de gris et veste élimée, affichant une morosité déjà ancienne. Un coup de clef sec, il était prêt. Son pas lent et lourd martelait le sol mouillé, s’élevaient alors des flaques d’eau, de légers borborygmes, écho à ses propres gargouillis. Il n’avait que cinq cent mètres de marche avant d’arriver. Il ne concevait pas de marcher plus. Cheminot de père en fils, la vie se devait d’être mouvement perpétuel, voyage, dépasser la frontière de son « chez soi ». L’horizon de ses aïeux s’étendait plus loin que le sien. Ils conduisaient les trains aux quatre coins de la France. Il avait du se contenter du bus, transport interurbain, univers rétréci d’une ville, inexorablement le même paysage, un horizon toujours bouché. La rêverie ne faisait plus partie de ses voyages quotidiens.


Arrivé au dépôt, furtivement, il salua ses confrères, ignorant leurs blagues ordinaires. Il s’enferma dans sa cabine, un moment de répit avant le commencement d’une journée, qu’il pressentait fade. Ce jour là il circulait sur la ligne qu’il détestait le plus, celle où les livraisons et les voitures de maître encombraient et ralentissaient sa tournée. L’attente, les railleries des passagers, les manœuvres supplémentaires, le retard dans son planning, sa pause réduite. Il se sentait morose plus qu’à son habitude. Las des regards indifférents des passagers, de leurs questions habituelles auxquelles il répondait mollement, exaspéré par leur intrusion bruyante dans ce qu’il aurait voulu être sa bulle, imperméable à toute tentative de le détourner de lui-même, de sa douleur au ventre. Moteur en marche, fermeture des portes. Premier feu rouge, un passant frappe, il ouvre. Un monsieur suffisamment âgé pour que Louis accepte de déroger à la règle de la montée aux arrêts identifiés.


Ce matin là, il semblait déconnecté de sa machine. Feu vert, un passant de vert vêtu s’engagea, Louis inversa son pied. Il appuya sur l’accélérateur. Enfin, il en avait eu un pour tous ceux qu’il avait évité. Sur la chaussée, les bandes blanches du passage piéton étaient éclatantes d’un rouge vermillon. Une belle tache de couleur dans la sombritude de ce jour ordinaire. Il sourit …


LN

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commentaires

F
<br /> Ce piéton, il était sur de ne pas en réchapper !!! Esperons que je ne croiserais pas ce chauffeur de bus....<br />
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T
<br /> <br /> Merci de tes deux commentaires et de ta visite. Bises <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> mouahahahah<br /> <br /> <br /> à quoi ça tient de pencher du côté obscure hein...<br />
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T
<br /> <br /> Parfois on se perd dans les fonds marins <br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> hé bé....<br /> <br /> <br /> je ferai attention à traverser au rouge... sait-on jamais...<br /> <br /> <br /> bises<br />
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T
<br /> <br /> Héhé ...Bonweekend printanier<br /> <br /> <br /> LN<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Je constate que la rêverie fait partie de tes voyages quotidiens. Voyages en bus mais avec un cynisme que je ne connaissait pas. je ne vais pas m'en plaindre car ce texte gris s'éclabousse<br /> en rouge à la fin. Décidément j'aime ces phrases courtes d'une grande expressivité. Bises Dan<br />
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T
<br /> <br /> Merci de partager  tes impressions qui m'envouragent.<br /> <br /> <br /> Bises sous un weekend <br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Chatouillement de l'Âme
  • : Au gré de mes états d'âme j'écris des nouvelles en épisode, des haïkus, des phrasés. J'expose mes tableaux, je vous fais partager mes impression sur les films, les expositions, les livres et j'organise des concours de jeux d'écriture, tout ceci sur fond musical. partage de la musique
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