Bascule un soir d' Oh -rage
Deuxième fragment
Ma famille parlons en brièvement. Une famille banale où les enfants font leur place à l'ombre des histoires des grands, cherchant le sens des questions toujours laissées sans réponse. L'ombre, je me souviens de celle du saule derrière l'école où parmi les branches j'écoutais tous les bruits accessibles à mon ouïe fine. Ceux des grandes personnes, ceux de la nature, des éléments mais surtout ceux de l'école où je puisais sans le savoir ma vérité, celle des lettres, du déchiffrage et celles de l'écriture. Je dois d'ailleurs vous remercier de m'offrir pour une dernière fois l'occasion de noircir des feuillets, seule raison d'être de ma vie ordinaire.
J'étais bien trop petit pour aller en classe. Je devais attendre mon tour après mes deux frères aînés qui eux soupiraient chaque matin, courbés sous leur cartable, traînant pour ne pas y aller. Silencieux, les observant dès leur départ je les suivais jusqu'au saule où là j’écoutai. Je faisais des graffitis, griffonnages, sur la terre meuble. Parfois je prenais quelques trésors de ceux que l’on trouve dans la terre et je m’évadais, en traçant, me parlant à moi-même sans même faire de bruit. Solitaire disait mes parents. Calme, ou encore secret. Tout ce remue méninge me brûlait à l’intérieur. Submergé par ma curiosité qui s’aiguisait sur tout ce que mon regard pouvait embraser. On devrait se méfier des enfants qui se font oublier. Quelque chose sommeille, l’orage un jour éclate.
J’ai visité avec le Dr Kertilem les trois étages de mon univers. Le sous-sol, celui des bas-fonds où suintent les odeurs de moisissure, de sang séché, où les fantômes des âmes égarées hurlent de douleur. Ici persiste la mémoire de crimes, fomentés, avortés, fantasmés. Quelques empreintes d’esprits barbares, humains trop humains… Au dessus, au rez-de-chaussée, c’est chez Moi, une vie ordinaire où rien ne se confie qui laisserait croire que chacun est un autre. Et à l’étage règne l’ordre, incontestable, légitime, celui de mon père qui donnait les sentences.
J’ai erré, circulé dans ces trois étages. Très vite, je me suis faufilé, à l’insu de tous, réfugié sous la maison, au sous-sol, dans l’antre oubliée des autres où peu à peu j’apprivoisai un monde passé, enfoui, caché, déterrant une mémoire inavouée, aux relents de secrets barbares. Comme un tourbillon circulaire je m’enfonçais dans ce trou noir. L’orage, celui qui a tonné en moi et a engouffré tous les éléments de mon existence ordinaire, a t il pris corps en ce temps bien lointain...
A suivre...
LN